Innovation et dialogue social : les voies d’un renouvellement de la participation des salariés
Les CSE ont été mis en place dans les entreprises il y a 2 ans. Dans le secteur public, les élections professionnelles du 8 décembre verront émerger les nouveaux comités sociaux. Dans ce cadre, directions et organisations syndicales n’ont cessé de dire qu’il faut repenser en profondeur le dialogue social. Dans les faits, l’opportunité a été très rarement saisie pour faire émerger des innovations. Les parties prenantes s’entendent plus souvent pour reproduire autant que possible les mêmes architectures d’instances représentatives du personnel : le point de désaccord, profond, se concentre dès lors sur la baisse de moyens qui en résulte.
Pour autant, les années de crise ont réussi à pousser davantage les organisations à innover dans leurs pratiques. Le dialogue social institutionnel a été intense pendant la période de pandémie et il est très dense actuellement sur les sujets énergétiques et de pouvoirs d’achat. Il est regrettable de constater que les évolutions ont ainsi résulté plus de la contrainte que du choix ou de l’opportunité.
Or, il est possible et opportun de repenser la nature et la profondeur du dialogue social dans les organisations d’autant que directions et organisations syndicales doivent y voir un intérêt commun : le risque étant, l’un comme l’autre, de ne plus réussir à toucher les salariés. Prendre conscience de ce risque est la condition sine qua non pour que le dialogue social ait un avenir.
Pour ce faire, il est impératif de ne pas réduire le sujet aux seules négociations entre direction et syndicats, en particulier sur les temps formels. Il n’est plus possible de considérer qu’il s’agit là d’une affaire de spécialistes et encore moins un champ exclusif des partenaires sociaux.
Bien au contraire, il est temps de revisiter le temps et les lieux de discussions et de confrontations sociales. Si hier le corps social était souvent spectateur, voire parfois faire-valoir des revendications des uns et des décisions des autres, aujourd’hui il semble évident qu’il faille davantage prendre en compte les aspirations des salariés et les attentes / besoins des managers. Cela implique de repenser leur place dans la réflexion, voire la co-construction de solutions réellement représentatives.
Sans que cela ne soit systématique, le dialogue social de demain pourra ainsi passer par une phase de concertation directe et en proximité avec les salariés, au sein d’un « dialogue social direct », suivi d’une phase de négociation loyale et opérationnelle avec les instances représentatives du personnel et organisations syndicales.
Le besoin de rénovation du dialogue est probablement d’autant plus vif sur les questions sociétales telles que l’environnement, la diversité, l’inclusion… sujets sur lesquels les aspirations des salariés évoluent, sujets sur lesquels le risque de décalage entre le corps social, la direction et les représentants du personnel s’accroît d’autant. À titre d’illustration, dans le baromètre sur le dialogue social que nous réalisons tous les ans, plus de 80 % des répondants estiment que la stratégie de décarbonation n’est rarement, voire jamais, évoquée dans les échanges en CSE !
In fine, le dialogue social n’a pas de raison d’être, hormis celle de répondre aux attentes des salariés. C’est en ce sens que le dialogue social est une composante stratégique de premier plan pour les organisations, et qu’il doit être un indicateur de performance au même titre que la marge opérationnelle, ou l’atteinte des objectifs de service public. C’est même devenu un élément différentiant presque concurrentiel pour attirer les talents et garantir l’engagement des équipes.
Il ne s’agit pour autant pas d’opposer le dialogue social direct et le dialogue social institutionnel avec les partenaires sociaux. Le premier a vocation à venir vivifier le second, d’alimenter les perspectives et d’ouvrir les champs des possibles.
Les syndicalistes vont avoir l’opportunité, à eux de la saisir, de retisser des liens qui s’étaient parfois distendus avec le terrain : en s’appropriant les sujets d’intérêts très concrets du quotidien au sein de leur entreprise et en apportant de la profondeur aux débats avec leurs analyses et une vision long terme. Par ailleurs, la négociation en tant que telle, celle permettant d’aboutir à un accord équilibré, restera de leurs prérogatives avec une responsabilité plus grande encore.
Côté direction, cette idée de faire participer les salariés à la vie de l’organisation n’est certes pas récente et pour autant elle se heurte encore à l’appréhension de ne plus tout maîtriser. Le risque est pourtant faible au regard des bénéfices qu’une concertation pourrait faire naître : un projet, une transformation est socialement plus acceptable, d’autant qu’elle s’appuie sur ceux et celles qui la feront vivre demain, au quotidien et au plus près du terrain.