Maintenir en emploi une personne en situation de handicap
Dans le cadre de leur obligation d’emploi de travailleurs handicapés les entreprises adressent deux modalités de réponse, communément appelées « emploi direct » et « emploi indirect ». Cette seconde modalité est dite indirecte car elle correspond à de la sous-traitance faite auprès du secteur protégé & adapté (Esat, EA, Tih). Ce n’est donc pas l’entreprise elle-même qui crée de l’emploi, mais son sous-traitant.
Le présent article concerne « l’emploi direct », c’est-à-dire les emplois relevant d’une relation contractuelle directe entre une entreprise et un travailleur handicapé. La notion d’emploi direct couvre elle-même deux typologies d’actions : le recrutement (sujet traité dans la newsletter d’octobre), et le maintien en emploi de travailleurs handicapés.
De quoi parlons-nous ?
Quelques éléments de contexte permettront de mieux comprendre les enjeux du maintien en emploi :
- 80 % des handicaps arrivent en cours de vie.
- L’âge moyen de la survenue du handicap est de 50 ans.
- 44 % des handicaps sont en lien avec le vieillissement.
- À peine plus d’un tiers de personnes handicapées dans la population active ont un niveau d’étude égal ou supérieur au bac.
- 85 % des restrictions d’aptitudes (avec ou sans reconnaissance de handicap associée) formulées par la médecine du travail concernent des troubles musculo squelettiques (TMS).
- Doublement du nombre d’inaptitudes en 20 ans (plus de 100 000 inaptitudes totales au poste par an).
Tenant compte du très possible allongement de la durée de travail, les intersectionnalités des problématiques deviennent évidentes : âge, durée d’exposition à la pénibilité des postes, état de santé, aptitudes, niveau de formation et reconversion, années restantes d’activités avant le départ en retraite…
Formulée autrement, les entreprises employant des personnes dont la moyenne d’âge augmente, soumises à des conditions de travail pénibles depuis de longues années, sont au premier rang des employeurs concernés par le maintien en emploi. Certaines ayant même atteint ou dépassé un « goulet d’étranglement », ayant plus de situations de reclassements à gérer que de postes compatibles disponibles.
Le contexte décrit ci-avant ne concerne donc pas exclusivement les personnes disposant d’une reconnaissance administrative de handicap. Nous verrons ultérieurement l’intérêt d’une telle reconnaissance dans le cadre d’un maintien en emploi.
La réponse du législateur
L’article 1.2.3.4 de La loi n° 2021-1018 du 2 Août 2021 indique en substance : « L’objet est de permettre à la cellule PDP [Prévention de la Désinsertion professionnelle] d’apporter aux situations individuelles des solutions personnalisées et de proximité, en privilégiant le maintien au poste avec son aménagement. »
Notons qu’il existe plusieurs niveaux de maintien en emploi :
Les objectifs annoncés par le législateur peuvent se résumer ainsi :
- Développer les actions de maintien dans l’emploi et de prévention du risque de désinsertion professionnelle.
- Passer d’une culture de la réparation à une culture de la prévention.
Ce dernier point, prévention plutôt que réparation constitue l’un des enjeux majeurs des années à venir afin de sortir progressivement de la situation de « goulet d’étranglement ».
Le process de maintien en emploi
Le process de maintien en emploi peut s’envisager en 5 phases :
L’approche préventive du législateur renvoie à une optimisation de la phase de « détection ». Nombre de situations sont détectées trop tardivement et gérées dans l’urgence, instruction, décision et mise en œuvre se confondant fréquemment. Le quotidien prenant le dessus, la phase de suivi est, elle aussi, souvent négligée.
De l’importance d’une l’approche pluridisciplinaire
Le sujet du maintien en emploi étant à la croisée de plusieurs thématiques (santé, aptitude, poste, compétences, organisation du travail…), il est important d’organiser une approche pluridisciplinaire des situations. Les acteurs de la démarche peuvent être internes et/ou externe à l’entreprise. Par exemple :
- Interne : salarié concerné, RH, managers, délégués syndicaux, CSE, CSSCT, médecine du travail intra, service de santé intra, ergonome intra…
- Externe : médecine du travail inter-entreprises, médecins conseils CPAM, assistant.e.s social.e.s …
Le fait qu’un salarié dispose d’une reconnaissance administrative de handicap permettra d’élargir le réseau d’acteurs : Agefiph, Cap emploi, Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) par exemple. Mais aussi en interne, responsable de mission handicap ou référents handicap.
Se pose la question du pilotage du mode pluridisciplinaire. Qui animera la circulation d’informations entre les acteurs ? Qui s’assurera de la validation et de la mise en œuvre d’une solution consensuelle ? Qui validera la pérennité de cette solution dans le temps via un suivi adapté ? Dans le cas où l’entreprise disposerait d’une politique handicap structurée, la détention par le salarié concerné d’une reconnaissance de handicap permettra de rattacher sa situation à un réseau d’acteurs identifiés : responsable de mission handicap ou référents handicap dont l’une des missions est justement la coordination des acteurs afin de capitaliser sur les bonnes pratiques et de gagner du temps par une « industrialisation » du processus d’analyse du besoin des salariés concernés.
Focus sur la phase de détection
Anticiper une situation suppose que l’entreprise soit en mesure de s’organiser pour repérer, croiser, puis analyser les signaux pouvant indiquer que la situation d’un salarié se dégrade. Quelques exemples de signaux :
- Durée / fréquence / moment calendaire des arrêts de travail / maladie,
- Diminution de la performance professionnelle,
- Comportements addictifs,
- Modification du comportement de la personne (repli sur soi, propos négatifs, changement d’apparence…),
- Précarité économique,
- Restrictions d’aptitudes…
Laboratoire d’innovation sociale
Via un apprentissage transférentiel, construire et faire vivre un process de maintien en emploi de salariés reconnus travailleurs handicapés (dans le cadre de l’obligation d’emploi), c’est optimiser le processus de maintien en emploi de tous les collaborateurs !