La semaine de 4 jours :
enjeux et soutenabilité
L’organisation du temps de travail est depuis longtemps un des enjeux déterminants des conditions de travail. Différentes normes sont venues sanctuariser son application. D’abord, des principes organisationnels : la loi Carlson qui préconise le travail sur un temps continu pour limiter le morcellement des tâches, la loi d’Illich qui considère qu’« au-delà d’un certain seuil, l’efficacité humaine décroit, voire devient négative », la loi Pareto des « 80/20 », etc. Également, la loi apporte des modifications aux codes du travail : la loi Auroux, les lois Aubry, les lois Macron, la loi de transformation de la fonction publique à travers les 1607 heures, etc. Mais aussi, en interne, l’organisation structure également le temps de travail sous différentes déclinaisons : contrat en temps partiel, en 35h, en 39h avec du repos compensateur ou/et le paiement d’heures supplémentaires, le forfait jour, etc.
Ainsi, ce triptyque se combine dans l’organisation du temps de travail, en démontrant dès lors que cet enjeu, à la fois complexe et multidimensionnel, vise à concilier efficacement la productivité du travail avec l’équilibre des ressources et des contraintes liées aux conditions de travail.
C’est dans ce cadre que la semaine de 4 jours fait son grand retour sous de nouveaux auspices que ceux qui lui avaient été réservés en 1993, à travers les considérations de Pierre Larrouturou, visant la création d’emplois. Aujourd’hui, la semaine de 4 jours vise un autre angle : « comprimer » les horaires ou les résultats – en cas de forfait jour – à obtenir sur une durée de 4 jours.
Plusieurs motivations sont liées à cette réduction de l’espace journalier du temps de travail mais la première affichée (comme dans le cadre de l’expérimentation de la Métropole de Lyon, par exemple) est l’amélioration de la qualité de vie au travail. En effet, s’observe la volonté des organisations de travail de se montrer plus attractives en tant qu’employeur sur le marché de l’emploi, et permettre de répondre – en partie – aux problématiques de recrutement, en jouant sur le besoin de flexibilité des collaborateurs. Il s’agit, in fine, de donner de nouvelles marges de manœuvre plus importantes à l’équilibre conciliation vie professionnelle-vie personnelle ; équilibre qui se veut toujours plus dimensionnant dans les préoccupations des travailleurs, du fait d’un sentiment d’intensité du travail qui s’accroit (cf. l’article du média Le Monde, Face à l’intensification du travail, les jeunes plongent dans un malaise profond…, d’Alice Raybaud).
Finalement, sur le périmètre du temps de travail, entre les enjeux de charge de travail, d’intensité du travail, de temps de travail, d’autonomie et de reconnaissance, l’équilibre des ressources et des contraintes reste une véritable question centrale au sein de chacune des organisations ; équilibre qui peut se voir chambouler par un passage à la semaine de 4 jours.
L’Anact, dans un article relatif aux retours d’expérience d’entreprises occitanes ayant mis en œuvre la semaine de 4 jours, alerte sur l’évaluation « dans la durée des effets d’une telle organisation » et sur l’ouverture des organisations de travail « à la possibilité d’ajuster, voire de revenir en arrière ». Ainsi, l’Agence rappelle que ce changement doit rester un changement prudent et flexible. Aménagement du temps de travail qui peut ou doit être mis en débat, la semaine de 4 jours se veut avant tout comme une expérimentation qu’il s’agit donc de piloter et de rendre apprenante sur les enjeux particuliers tenant à chaque organisation de travail. Ce type de changement doit être accompagné d’une conduite participative de haute qualité, en étroite collaboration avec le dialogue social.
En cas d’intérêt et de volonté à transformer l’organisation de travail vers la semaine de 4 jours, la démarche qui pourrait être appliquée peut se décliner à travers un diagnostic permettant de poser des constats de faisabilité et d’opportunité, en mettant en avant les risques et les faiblesses. Cette étude mènera – ou pas – à la mise en place d’une cartographie des parties prenantes, de leurs implications et d’un pilotage pragmatique et opérationnel du changement pour établir un système de suivi et d’évaluation. Plusieurs points d’attention induisent quelques focus sur la thématique de l’intensité du travail à travers le faisceau de la charge de travail, de l’usure professionnelle, des relations de travail, de la continuité du collectif et des coopérations, de l’équilibre des temps de vie et de la garantie de l’équité ; le tout au regard de la continuité de service.
La question de la soutenabilité du travail doit être le fil rouge de la déclinaison de cette démarche. Il est essentiel de considérer que, d’un point de vue juridique, les modalités de mise en place de ce changement organisationnel doivent être adaptées en fonction de la taille de l’entreprise et des parties prenantes impliquées dans les négociations en son sein.