Achats responsables :
clé de la transformation
durable
La fonction achats est au centre de la transformation de nos organisations qu’elles soient publiques ou privées. Alliant performance économique, environnementale et sociale, la fonction achats repose sur une prise de responsabilité partagée des différentes parties prenantes – prescripteurs, acheteurs, vendeurs, fournisseurs, développeurs, investisseurs, consommateurs, utilisateurs, usagers – s’agissant des impacts induits par l’acte d’achat. L’achat responsable, dans ce contexte, se définit comme un « achat intégrant, dans un esprit d’équilibre entre parties prenantes, des exigences, spécifications et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique ».
Ainsi, l’achat revêt une importance cruciale dans la concrétisation des engagements pris par les organisations. En effet, c’est à travers les décisions d’achat que les principes et les valeurs énoncés au niveau politique ou stratégique se traduisent en actions et en effets concrets. Il en va tout particulièrement des engagements pris en faveur de la baisse des émissions de gaz à effet de serre par les États signataires de l’Accord de Paris signé en 2015 portant des stratégies d’atténuation, d’adaptation et de financement du changement climatique et invitant les États à atteindre la neutralité carbone en 2050.
La décarbonation des achats comme démarche territoriale d’amélioration continue
La décarbonation des achats repose sur l’élaboration du bilan carbone réalisé au prisme des 3 scopes que constitue l’activité d’une organisation. Le scope 1 concerne les émissions directes de gaz à effet de serre, le scope 2 les émissions indirectes liées à l’énergie et le scope 3 les émissions induites par la chaîne de valeur de l’organisation intégrant les activités amont (achat de biens et services, transports…) et aval (utilisation des produits vendus, gestion des déchets…). C’est sur les scopes 2 et 3 que les achats ont un impact stratégique et que nos organisations doivent agir en reconsidérant leur chaîne d’approvisionnement et leur modèle économique.
La question de la soutenabilité financière est évidemment au centre des démarches de décarbonation des achats. Elle suppose d’adopter une approche transverse qui dépasse la simple appréciation du prix d’achat pour mettre en place une approche en coût complet ou coût total de possession. Cette approche permet d’inclure les surcoûts générés par le choix d’un produit ou d’un procédé décarboné mais également les coûts évités tout au long du cycle de vie. Elle invite à nous interroger sur le concept de maîtrise d’usage plutôt que de maîtrise d’ouvrage privilégiant l’achat de l’usage d’un bien plutôt que l’achat du bien lui-même. On parle d’économie de la fonctionnalité ou d’économie servicielle, établissant une nouvelle relation entre l’offre et la demande.
Ces nouvelles approches nécessitent la mise en place d’une collecte et d’une analyse de données fiables, permettant à la fois de mesurer l’empreinte carbone de son organisation et également d’apprécier l’empreinte carbone de ses fournisseurs et produits. Cette analyse de données aide à fixer des objectifs clairs, à mesurer les progrès et à ajuster les stratégies en conséquence, tout en améliorant la transparence, la responsabilité et la durabilité des pratiques d’achat.
Favoriser les achats locaux est essentiel pour renforcer l’économie territoriale et réduire l’empreinte carbone. En privilégiant les fournisseurs locaux, les organisations contribuent à dynamiser les économies locales tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre liées au transport. De plus, les achats locaux ont un impact direct sur le PIB et l’emploi au niveau régional, stimulant ainsi le développement économique et l’innovation. En outre, cela renforce la souveraineté économique en limitant la dépendance à l’importation de biens et de services.
Un cadre juridique de plus en plus contraignant pour les acheteurs publics
Les acheteurs publics pour leurs achats responsables sont guidés par le Code de la commande publique lequel intègre les obligations découlant de trois lois structurantes.
La loi n°2023 973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte accélère la prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique. Elle introduit la possibilité d’exclure des marchés publics les entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre ainsi que celles ne respectant pas leurs engagements de publication d’informations en matière de durabilité issue de la « Corporate Sustainability Reporting Directive ». Elle rend également obligatoire l’établissement d’un schéma de promotion des achats écologiquement et socialement responsables à tous les acheteurs publics dont le montant total des achats est supérieur à 50 millions d’euros HT.
La loi n°2021 1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi climat et résilience) porte quant à elle, plusieurs obligations issues de son article 35. Elle invite les acheteurs à intégrer les considérations environnementales dès la définition du besoin, y compris pour les marchés publics et les contrats de concession. Elle incite également les acheteurs et les autorités concédantes à retenir au moins un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre, et à fixer, dans leurs contrats, des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives à l’environnement (entrée en vigueur à une date fixée par décret à paraître, et au plus tard le 22 août 2026).
La loi n°2020 105 du 10 février 2020 portant de lutte contre le gaspillage pour une économie circulaire et son article 58 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2021 les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements soient issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées. Le décret n°2024 134 du 21 février 2024 accroît, à compter du 1er juillet 2024, la part des acquisitions de biens issus de l’économie circulaire par les acheteurs publics de l’État et des collectivités territoriales. Pour cela, il modifie la liste des produits visés ainsi que, pour chacun d’eux, la part minimale des acquisitions qui doit être issue des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
Enfin, l’article L. 229-25 du Code de l’environnement dispose que « l’État, les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants ainsi que les autres personnes morales de droit public employant plus de deux cent cinquante personnes » sont tenus d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Nous le voyons, porter une politique d’achats responsables implique de mesurer son empreinte carbone pour s’orienter vers une stratégie de décarbonation de ses achats. Cela suppose de s’appuyer sur des standards, des référentiels et méthodes éprouvés et d’y adosser une stratégie de production, de collectes et management des données fiabilisées. Cet investissement en faveur du pilotage d’une politique achat par la donnée est primordial. Il doit être intégré à toute démarche d’élaboration de schéma de promotion des achats écologiquement et socialement responsables incluant une stratégie de décarbonation. En effet, pour agir, il faut mesurer !