Handicap psychique
Dans la continuité de l’article du mois dernier abordant les maladies chroniques invalidantes, intéressons-nous aujourd’hui à une autre famille de handicaps invisibles : les handicaps psychiques.
Le contexte
Quelques constats chiffrés :
- 22 % des arrêts maladie de longue durée (plus de 30 jours), sont liés à des troubles psychologiques ou à une grande fatigue ;
- 3 millions de Français sont touchés par un trouble psychique ;
- 1 personne sur 3 sera concernée par un trouble psychique au cours de sa vie.
Les troubles psychiques restent mal diagnostiqués, mal connus, souvent associés soit à des troubles passagers, ne nécessitant qu’une meilleure hygiène de vie pour aller mieux ou, à l’extrême opposé, à des affections particulièrement graves, confinant à la « folie » (terme n’ayant aucune validité médicale) et faisant peur.
Alors qu’ils sont à l’origines de graves difficultés pour les personnes concernées et pour les collègues, ils sont difficiles à prendre en compte dans le monde du travail aujourd’hui.
Une prise en compte légale récente
Les troubles psychiques sont souvent confondus avec du handicap mental ou cognitif. Chacun correspond pourtant à des réalités bien différentes :
Si ces 3 catégories sont bien présentes aujourd’hui dans la définition légale du handicap, soulignons que le handicap psychique n’a été introduit qu’en 2005 dans la dernière version de la loi.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation de la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». (Loi n° 2005-102 du 11 février -2005 Art. L.114. du code de l’Action Sociale et des Familles).
La notion de handicap psychique inscrite dans cette loi est née du combat de l’Union Nationale des Amis et Familles de personnes Malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM). Plusieurs buts étaient visés :
- Faire exister la population des personnes souffrant de troubles psychiques ;
- Informer la collectivité sur la nature de ce handicap dit « psychique » ;
- Aider à faire en sorte que les droits des personnes soient mieux respectés, notamment celui de la compensation. L’objectif était de créer une catégorie cible pouvant bénéficier des aides car, sans catégorisation, il y avait une incertitude quant à la prise en charge des patients.
Handicap psychique, de quoi parle-t-on ?
L’OMS nous donne une définition :
« Sous le terme de handicap psychique, on entend les conséquences de troubles relationnels de l’individu vis-à-vis de lui-même et de son entourage. Il peut être consécutif à certains troubles cognitifs d’origine neurologique mais, le plus souvent, est la conséquence d’une maladie psychiatrique du domaine de la névrose grave ou de la psychose. Le handicap psychique génère le plus souvent des troubles du comportement et des troubles affectifs, perturbant l’adaptation sociale. Il s’agit d’un état durable ou épisodique avec périodes de rémission, avec ou sans altérations des facultés mentales ».
On peut distinguer 4 grandes familles de troubles :
- La schizophrénie et les troubles psychotiques : hallucinations et délires dont la personne malade n’a pas conscience. Contrairement aux idées reçues, le schizophrène ne se prend pas pour un autre, mais il perçoit la réalité d’une manière très différente de ceux qui l’entourent.
- Les troubles anxieux regroupent des troubles divers dont :
- Les phobies, c’est-à-dire des peurs intenses, irraisonnées déclenchées par un objet, un animal ou une situation (être enfermé dans le cas de la claustrophobie, se trouver dans un lieu public avec l’agoraphobie…).
- Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) qui se traduisent par exemple par une obsession de la saleté, conduisant certaines personnes à se laver les mains plusieurs centaines de fois par jour.
- Les troubles de l’humeur regroupent des troubles divers dont :
- Les troubles bipolaires (autrefois appelés maladie maniaco-dépressive) qui se caractérisent par des phases d’hyperactivité, avec des comportements excessifs auxquelles succèdent des phases de très grande dépression.
- Les troubles dépressifs majeurs qui provoquent une tristesse intense et une douleur morale. La personne est extrêmement pessimiste, se dévalorise, culpabilise, etc.
- Les troubles de la personnalité : conduites « déviantes » par rapport à ce qui est attendu dans la vie courante, et notamment en entreprise. C’est le cas par exemple des personnes paranoïaques qui font preuve de suspicions irrationnelles et d’une incapacité à croire les autres.
Quelles conséquences sur le travail ?
Les conséquences sont multiples. Parmi les plus fréquentes on peut citer des difficultés relatives à la :
- Gestion du stress / angoisse
- Gestion du temps de travail / rythme / productivité
- Gestion de l’environnement de travail
- Gestion de l’attention / mémoire / concentration
- Gestion des changements et des imprévus
Ces difficultés peuvent apparaître progressivement, parfois isolément ou plusieurs à la fois… Elles doivent être prises en compte quand on les observe chez un collègue ou pour soi-même. Évidemment, tout un chacun peut traverser une situation difficile impliquant de telles conséquences. Un des points devant alerter est la durée ou la répétition des évènements.
Comment prendre en charge le handicap psychique ?
Notons tout d’abord que quand une maladie psychique dure plusieurs mois, voire plusieurs années, elle pourra être reconnue comme une situation de handicap et donner lieu à une Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) en raison des conséquences importantes qu’elle peut avoir sur l’activité professionnelle de la personne, pouvant aller jusqu’à remettre en cause son employabilité.
Plusieurs pistes peuvent être explorées au titre de la compensation du handicap :
- Un aménagement des horaires de travail avec par exemple la mise en place d’un temps partiel thérapeutique ;
- La mise en place d’un tutorat ;
- La réorganisation du travail autour d’objectifs à court terme pour faciliter la concentration ;
- Une évolution des pratiques managériales (management bienveillant, reconnaissance, …).
Comme pour toute mise en place de compensations il s’agit tout d’abord d’établir un climat de confiance avec la personne, de mettre des mots sur les maux. Seule l’acceptation par la personne des constats faits, et donc d’un « problème », permettra un engagement de sa part. Sans cet engagement point de salut, il n’est pas possible d’aider une personne qui n’est pas en capacité d’attraper la main tendue. Formulée ainsi, la situation pose la question du maintien raisonnable en activité. Le rôle du corps médical est donc important (médecin traitant et médecine du travail).
En entreprise, la gestion de cette relation de confiance avec le salarié se construit dans un cadre pluridisciplinaire. Il convient donc de commencer par identifier le réseau d’acteurs internes pouvant prendre en charge la situation : référent handicap, médecin du travail seront des acteurs incontournables. Mais leurs actions ne pourront porter leurs fruits sur le terrain qu’en lien avec l’action managériale (suivi professionnel régulier : entretiens formels et planifiés, échanges informels autant que de besoin, sensibilisation du collectif de travail sur les comportements à adopter, tutorat…).
Le recours à un réseau d’acteurs externes n’est pas à négliger !
Le médecin du travail pourra, s’il le juge nécessaire, orienter la personne vers un médecin spécialiste.
Autre piste, les Prestations d’Appui Spécifiques (PAS) qui sont financées par l’Agefiph et le FIPHFP et permettent aux employeurs de disposer de l’expertise de spécialistes afin d’identifier les incidences du handicap d’une personne dans son contexte professionnel et les actions à mettre en œuvre pour les compenser. Il existe 6 grands types de PAS par famille de handicap : visuel, auditif, moteur, mental, psychique et cognitif.
Les PAS pour les handicaps psychiques se divisent en 6 parties qui peuvent être mobilisées dans leur ensemble ou séparément par les prescripteurs en fonction de leur diagnostic :
- Appui à un diagnostic approfondi
- Appui à l’élaboration du projet professionnel
- Appui à la validation du projet professionnel
- Appui à l’intégration chez l’employeur ou en formation
- Suivi dans l’emploi
- Appui-conseil pour le maintien dans l’emploi