Reconnaître et
soutenir les aidants
Pas moins de 180 événements en 2022, et plus de 700 recensés pour la 14ème Journée nationale des aidants (JNA) qui s’est tenue le 6 octobre dernier ! Entre conférences, sensibilisations, ateliers-thématiques, portes-ouvertes, cafés-aidants, projections de films, la JNA permet au Collectif Je t’Aide de fédérer partout sur les territoires, l’ensemble des structures et des personnes désireuses de s’engager et de faire bouger les lignes.
Des journées nationales, il en faut. Quoi qu’on en dise.
Car «Il est important d’avoir des temps formalisés de rassemblements de l’ensemble des acteurs et parties prenantes sur le fait aidant. Cela permet de faire le point sur la prise en compte effective du sujet ». C’est le constat clair de Marguerite Noblecourt, Responsable partenariats, communication et prospective au sein de Ma Boussole Aidants, un service digital gratuit et ouvert à tous qui centralise informations et aides disponibles en proximité des aidants et de leurs proches.
L’aidance, un sujet encore trop peu connu.
Et pour cause.
« La personne aidante porte plusieurs casquettes », complète Noémie Fontaine, Chargée d’accueil au sein de Métropole Aidante : « tout à la fois, manager, entrepreneur, parent, conjoint, collègue, proche, et aussi bénévole dans l’association sportive de son quartier. Les risques de « décrochage » augmentent tout particulièrement lorsque la personne aidante n’a plus de temps suffisant pour occuper tous ces rôles, et qu’elle se voit contrainte de délaisser tout ce qui n’est pas en lien direct avec l’aide ».
Près d’un Français sur deux n’est pas encore au fait sur le sujet.
Et pour ceux qui le sont, parler de leur rôle d’aidant et de leurs besoins individuels ne coule pas de source.
Autant de profils d’aidants que de situations individuelles.
« Avec plusieurs curseurs à prendre en compte : celui de l’évolution, bonne ou mauvaise, de l’état de santé de la personne aidée, la notion de distance géographique à parcourir pour la personne aidante lorsqu’elle se rend au domicile de l’aidé, parfois chaque jour matin et soir, et chaque week-end, quand elle l’accompagne à ses rdv médicaux ou administratifs… Sans oublier la situation financière de l’aidant, qui peut être mise à mal », selon Quentin Sauvee, co-fondateur et CEO de JAJI, jeune mutuelle santé 100% digitale, et entreprise à mission.
Pour lui, il s’agit de prendre en compte tous ces curseurs qui viennent impacter fortement les besoins et attentes de l’aidant. Car « certains ont à ajuster, bousculer, leur cadre de travail, trop souvent dans l’urgence, et cela, quoi qu’il en coûte, parfois au détriment du travail, de leur carrière. Ils peuvent être contraints de passer à temps partiel, voire, de quitter leur poste au profit d’un autre, moins exigeant, ou avec des horaires plus souples par exemple, ceci pour se libérer du temps et pouvoir mieux assumer leur rôle auprès de la personne aidée ». Des changements rarement neutres, et jamais sans conséquences pour la carrière de l’aidant, qui parfois « peuvent s’avérer être une véritable catastrophe pour l’aidant ».
« Deux risques majeurs se profilent lorsqu’on porte l’aidance seul : l’isolement et l’épuisement », de l’avis de Marguerite Noblecourt. «L’un des enjeux pour l’aidant, au-delà de son engagement auprès de l’aidé, c’est de prendre conscience des limites, de se préserver, et de trouver des relais ».
L’aidance impacte à la fois les sphères vie professionnelle et vie privée. Pour autant, est-ce à l’entreprise de porter ce sujet ?
Assurément, pour Marguerite Noblecourt. «Les années à venir laissent prévoir une explosion à venir des maladies chroniques, le vieillissement des populations. Avec un système médico-social en très forte tension, nul doute que la société civile, et les proches, seront sollicités et mis à contribution. Prendre en compte le fait aidant dans notre façon d’organiser le travail de demain, c’est aussi faire preuve de pragmatisme ».
À court et moyen termes, les raisons pour s’emparer du sujet sont là : report de l’âge de départ à la retraite, profils pénuriques, attentes montantes des jeunes générations (mais pas que) vis-à-vis des engagements concrets des entreprises qu’ils choisissent de rejoindre, besoin d’être reconnu pour sa singularité.
Car, qu’on le veuille ou non, l’entreprise est déjà, forcément exposée, et le sera, de plus en plus.
Agir, pour faire d’une contrainte une opportunité ?
Ce qui est certain, c’est qu’il vaut mieux ne pas attendre que l’aidant n’ait plus, ni le choix, ni le temps: là se trouve l’urgence. Car comme Noémie Fontaine a pu le constater lors de ses nombreux échanges avec des personnes aidantes, « prendre du temps pour soi, bénéficier d’informations, de ressources, d’appui pour être écoutée, cela ne coule pas de source au travail, malgré la présence de structures RH ou de services médico-sociaux étoffés. Le manque de temps précisément, mais aussi, la peur d’être stigmatisés, le besoin fort de confidentialité sont là ».
Ce qui ressort de la majorité des baromètres et études, c’est que l’aidant ne souhaite pas être identifié en premier lieu par son seul rôle d’aidant. Mais d’abord comme le collaborateur professionnel investi, la collègue aguerrie, encadrante sur qui l’on peut s’appuyer pour accompagner l’intégration de la nouvelle recrue par exemple.
«À ce titre, au cœur même de l’entreprise, ce sont l’équipe, le quotidien, les temps anodins informels et conviviaux, qui constituent bien souvent d’indispensables bulles de respiration pour les personnes aidantes », complète Noémie.
Agir, oui mais, comment ?
Des solutions permettant d’alléger le quotidien des aidants mal connues… Et pourtant.
Groupes de paroles, lieux de répit, ateliers de prévention santé, aide aux démarches administratives, au soutien psychologique et social, ou aux diverses solutions d’accueil pour leurs proches, applications. Autant de solutions encore trop peu mobilisées car mal connues, voire ignorées des aidants, comme des professionnels avec qui les aidants sont en lien : travailleurs sociaux des guichets administratifs, agents communaux, professionnels du monde hospitalier ou encore intervenants au domicile.
«Des solutions nombreuses, que les aidants ne réussissent pas toujours à trouver. C’est justement face à cet enjeu de clarification qu’est né le projet Lyonnais Métropole Aidante, association loi 1901 en 2018 créée sous l’impulsion de la Fondation France Répit, afin de travailler à la construction d’un dispositif territorial coordonné de soutien aux aidants », explique Noémie Fontaine.
Car le soutien pour une personne aidante, s’avère fondamental.
Une façon simple de se lancer pour l’entreprise ? Marguerite Noblecourt propose d’«aller à la rencontre des aidants dans sa structure, de les consulter pour bien comprendre leur situation et leurs besoins, avant de réfléchir et de coconstruire ensuite, pas à pas, un plan d’action pérenne ».
Après une première prise de conscience, socle indispensable, « réaliser un diagnostic de situation permettra ensuite, de mieux passer à l’action », de l’avis de Quentin Sauvee. Avec, en point d’orgue, l’instauration préalable, d’un vrai climat de confiance, car «parler du sujet, facilite l’empathie » de l’avis de nos 3 experts. Même si toutes les structures ne sont pas outillées de la même façon, chacune pourra identifier et expérimenter de « petites actions et viser l’effet papillon : si l’on parvient à toucher 2 ou 3 aidants et à répondre à leurs besoins, cela peut déjà suffire dans un premier temps », pour Quentin Sauvee.
Et Noémie Fontaine de conclure sur les dispositifs déjà existants, à mobiliser, comme les congés proche aidant, de solidarité familiale, ou encore des dons de RTT. Mais plus important encore, « ce qui est attendu de nombre de personnes aidantes, c’est de pouvoir s’appuyer, au sein de l’entreprise, sur « une personne ressource, clairement identifiée, et à même d’écouter et de comprendre la situation. Avec, encore et toujours, la confidentialité et le climat de confiance ».
Prendre en compte les aidants au sein de sa structure, c’est inciter à prendre la parole et à la libérer, à tous les niveaux de l’organisation, et tout spécifiquement, au cœur du management de proximité et des collectifs de travail, là où tout se joue bien souvent aux premières lignes, pour l’aidant.
Remerciements à :
Noémie Fontaine, Chargée d’accueil au sein de Métropole Aidante
Marguerite Noblecourt, Responsable partenariats, communication et prospective au sein de Ma Boussole Aidants
Quentin Sauvee, co-fondateur et CEO de JAJI, jeune mutuelle santé 100% digitale et entreprise à mission