La newsletter Sémaphores - Février 2025 - Recul des politiques DEI aux États-Unis, quel impact en France ?

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Février 2025

Développement du Capital Humain

Recul des politiques
Diversité Équité Inclusion (DEI)
aux États-Unis,
quel impact en France ?

La newsletter Sémaphores - Février 2025 - Recul des politiques DEI aux États-Unis, quel impact en France ?
La newsletter Sémaphores - Février 2025 - Recul des politiques DEI aux États-Unis, quel impact en France ?

Un article rédigé par :

Nicolas JANDA – Directeur des comptes stratégiques & pilote activité formation – TH Conseil –  in

Les médias se sont déjà plusieurs fois fait écho d’un recul des politiques diversité au sein de grandes entreprises américaines telles que Harley-Davidson, Ford, Meta, Walmart, Zoom, Microsoft ou encore Google. De quoi parle-t-on réellement ? Faut-il craindre un mouvement de même nature en France ?

Question d’approche

Les contextes américain et européen, français en particulier, sont très différents. Si la notion de non-discrimination existe de part et d’autre de l’Atlantique, elle ne se traduit pas de la même façon.

L’objet du présent article n’est pas de poser un avis critique sur telle ou telle pratique, mais de constater des différences de positionnement et de faire écho à l’actualité.

> Les politiques DEI aux États-Unis

Les initiatives en faveur de la diversité dans les entreprises américaines peuvent susciter des controverses dans leur pays d’origine pour diverses raisons souvent liées à des différences idéologiques, culturelles ou légales. Ces controverses varient fortement selon les secteurs, les régions (États libéraux ou conservateurs) et la culture des entreprises.

De nombreuses entreprises américaines ont adopté des politiques DEI, qui du point de vue français sont parfois perçues comme « très ambitieuses ». Ces politiques font suite à des mouvements comme Black Lives Matter. Elles peuvent susciter de vifs débats dans leur pays d’origine. Quelques exemples d’actions particulièrement controversées outre-Atlantique :

  • Les programmes de discrimination positive (Affirmative Action) :
    Ces programmes visent à corriger des déséquilibres historiques en favorisant certains groupes sous-représentés. Ils sont perçus par certains comme des formes de discrimination inversée notamment envers les hommes blancs ou asiatiques. La Cour suprême des États-Unis a récemment limité l’utilisation de critères raciaux dans les admissions universitaires, et ce débat s’étend au monde des entreprises. Se pose également la question de l’efficacité de ces programmes.
  • Les formations obligatoires sur les biais inconscients :
    Ces formations visent à sensibiliser les employés aux stéréotypes inconscients, mais elles sont souvent critiquées, car perçues comme de la « culpabilisation collective » envers certains groupes. Des études suggèrent que ces formations peuvent renforcer les stéréotypes au lieu de les réduire.
  • Les quotas de diversité dans le recrutement et la promotion :
    Des entreprises fixent des quotas ou des objectifs explicites pour recruter des talents issus de groupes sous-représentés. Les détracteurs de ces démarches soulèvent la question du favoritisme au détriment de la compétence ou du mérite individuel et craignent que ces pratiques ne réduisent la compétitivité des entreprises.
  • Les politiques LGBTQIA+ :
    Certaines initiatives, comme la reconnaissance des identités de genre non binaire ou les politiques sur l’inclusion des personnes transgenres (ex. accès aux toilettes correspondant à l’identité de genre et non au sexe), suscitent des tensions. Ces politiques soulèvent des oppositions culturelles ou religieuses, notamment dans les États conservateurs. Leur mise en œuvre est également critiquée dans des environnements où elles créent des divisions internes.
  • Les campagnes de communication « diversité » :
    Les entreprises investissent dans des campagnes marketing axées sur la diversité, mais celles-ci sont souvent perçues comme opportunistes ou “performatives”. Les détracteurs soulèvent une dérive « woke » ainsi que le risque de « diversity washing » sans véritable engagement interne. Ils craignent également les réactions négatives de certains consommateurs ou employés, ce qui peut nuire à la réputation de la marque.
  • Les systèmes d’évaluation et bonus liés à la diversité :
    Des entreprises lient la rémunération des dirigeants à l’atteinte d’objectifs de diversité. Les détracteurs craignent une approche « mécanique » de la diversité, au détriment d’une intégration authentique.
  • L’exclusion des points de vue conservateurs :
    Certains employés ou groupes considèrent que les programmes de diversité ne laissent pas de place aux opinions conservatrices ou religieuses. La controverse repose sur un débat sur la liberté d’expression et la nécessité de protéger une diversité d’opinions, y compris celles qui critiquent les politiques progressistes.

Les politiques DEI américaines sont fortement impactées par les alternances gouvernementales conservateurs – démocrates. L’arrivée de Donald Trump le prouve. Il envisage par exemple de signer nombre de décrets autour de la thématique du genre. Il entend mettre fin aux politiques scolaires sur le genre, interdire aux femmes transgenres de participer à des sports féminins et d’intégrer l’armée américaine, interdire des interventions médicales sur les mineurs (qualifiées de « mutilations sexuelles des enfants »). D’une façon générale, les programmes « promouvant la transition de sexe ou de genre, quel que soit l’âge », seront interdits. Il a ainsi défini que seuls les genres masculins et féminins seront autorisés.

> L’approche française de la Diversité

Commençons par noter qu’il n’existe pas de définition légale de la diversité en France. L’approche du sujet se fait sous l’angle de la non-discrimination. Le Défenseur des Droits a défini plus de 25 critères de non-discrimination, c’est-à-dire des critères sur la base desquelles il n’est pas légitime de prendre une décision de recrutement ou de promotion, par exemple : l’âge, le sexe, l’origine, les mœurs, la race, l’orientation sexuelle, le handicap…

La seule lecture de ces critères est révélatrice de la divergence d’approche avec des actions comme « les quotas de diversité dans le recrutement et la promotion » pratiqués outre-Atlantique.

En France, l’usage des quotas en matière d’emploi est très limité et encadré. Citons par exemple :

  • Les 40% de femmes minimum devant être présentes dans les Conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 250 salariés et réalisant plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.
  • L’obligation d’emploi de 6 % de personnes en situation de handicap dans les entreprises de plus de 20 salariés. À noter que cette obligation ne relève pas d’un quota strict. En effet, une entreprise n’employant pas 6 % de travailleurs handicapés n’est pas « hors la loi » du moment qu’elle paye la « contribution handicap » correspondant au nombre de personnes manquantes à l’obligation. Il s’agit donc d’une action positive incitant à employer plus de personnes en situation de handicap.

D’une façon générale, la plupart des actions Diversité menées en France s’inscrivent dans une logique d’action positive, et non de discrimination positive : la publication d’un index de l’égalité professionnelle, les clauses d’insertion dans les marchés publics, la mise en œuvre de chartes ou de labels, comme le Label Diversité. Ces dispositifs visent à favoriser une meilleure représentation des diversités et à lutter contre les discriminations.

Rappelons qu’une action positive est une mesure de rééquilibrage des situations socialement et historiquement inégalitaires pour les personnes appartenant à un groupe objectivement défavorisé en raison d’un critère prohibé. Elle doit être temporaire (pour combler un écart, le temps que l’égalité de fait soit atteinte). Elle suppose un plan d’actions et une évaluation régulière des résultats, nécessaire pour atteindre l’égalité réelle et proportionnée à l’objectif à atteindre.

Quel impact en France ?

En France, les politiques DEI peuvent être considérées comme non ambitieuses, ou plus raisonnables selon les points de vue, qu’aux États-Unis. De ce fait, la perception sociétale négative est nettement moins radicale qu’outre-Atlantique. Pour exemple, les actions de sensibilisation aux représentations, a priori et biais décisionnels sont plutôt perçues positivement. De même, l’impact négatif sur les clients et consommateurs n’est pas craint. Il est plutôt question de coller aux réalités sociales et sociétales de la société civile.
À court terme, l’impact des décisions américaines sera donc certainement limité en France. Ce d’autant plus que les institutions légales françaises et européennes veillent pour éviter les dérives.

Néanmoins, la conjonction de plusieurs éléments est de nature à réduire certaines ambitions en matière de politique DEI. Citons par exemple la fin des accords handicap agréés et donc d’un budget sacralisé associé au handicap, le risque associé de la « dissolution » de la thématique du handicap dans la diversité au sens large –  réduisant la part proportionnelle de moyens alloués à chaque thématique – ou les questionnements autour de la mise en œuvre de la CSRD « qui constitue un levier stratégique pour renforcer la compétitivité de l’Union européenne, résolument engagée dans la construction d’un modèle économique durable » mais dont « la mise en œuvre révèle des complexités opérationnelles qui, sans ajustements, risquent de compromettre son efficacité pour les entreprises, en particulier pour certaines PME et ETI »*.

*Sources : https://www.cjd.net/wp-content/uploads/2025/01/DP-FuturCSRD.pdf?utm_source=brevo&utm_campaign=DP%20CSRD%20presse&utm_medium=email

 

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