Gérer la volatilité financière
en entreprise :
comment se protéger des risques économiques ?
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Un article rédigé par :
Jérôme PROVOST – Manager – Consolidation & Reporting / Audit – GVA – in
Remontée des taux d’intérêt, inflation persistante, volatilité des devises et des matières premières, ou encore pression sur les financements… Dans un contexte d’incertitudes économiques, les entreprises sont encore plus exposées aux risques de volatilité, qui peuvent affecter la performance et la stabilité financière.
Face à ces défis, il est essentiel pour les entreprises de mettre en place une gestion proactive des risques financiers : identification et évaluation du risque, stratégie de gestion des risques et choix des outils de couverture sont les étapes essentielles pour les réduire au maximum et optimiser la performance financière.
Identifier et comprendre les principaux risques financiers
Les risques financiers peuvent être classés en 6 catégories :
- Le risque de taux d’intérêt : Il désigne le risque de variation du coût de l’endettement ou du rendement des placements financiers en raison des fluctuations des taux d’intérêt.
- Le risque de change : Le risque de perte financière lié aux fluctuations des devises, impacte toute entreprise qui réalise des transactions en monnaie étrangère. Par exemple, une société française exportant aux États-Unis subira une perte de compétitivité si l’Euro s’apprécie face au Dollar.
- Le risque de matières premières : Les entreprises du secteur industriel, agroalimentaire de l’énergie ou encore du transport sont fortement exposées aux variations de prix des matières premières (métaux, produits agricoles, gaz, pétrole…).
- Le risque de marché : Il concerne les fluctuations de valeur ou des flux de trésorerie futurs d’un actif financier (actions, obligations, placements…) qui entraineraient une perte de capital ou une baisse de rendement.
- Le risque de liquidité : Il s’agit de l’incapacité d’une entreprise à honorer ses dettes. Il ne s’agit pas d’un risque de volatilité, mais d’un risque structurel lié à la gestion et à la performance de l’entreprise ; cependant, la volatilité peut impacter indirectement la rentabilité et donc le risque de liquidité.
- Le risque de crédit : Il désigne le risque de subir des pertes dans le cas où un tiers (client, fournisseur, partenaire financier) serait dans l’incapacité d’honorer ses engagements. De même que pour le risque de liquidité, la volatilité peut augmenter le risque de crédit en impactant le risque de liquidité des tiers.
Mettre en place une stratégie de gestion des risques financiers
Pour limiter l’impact des risques financiers liés à la volatilité, les entreprises doivent adopter une approche structurée et proactive. Une bonne gestion des risques repose sur trois piliers : la diversification, la planification et la mise en place d’outils de couverture.
> La diversification
La diversification est l’un des principes fondamentaux de la gestion des risques. En évitant de concentrer l’exposition sur une seule variable (taux d’intérêt, devises, matières premières…), l’entreprise réduit sa vulnérabilité aux risques financiers.
Répartir ses financements entre taux fixes et taux variables
Une entreprise qui s’endette entièrement à taux variable s’expose fortement à un risque en cas de remontée des taux. À l’inverse, s’endetter exclusivement à taux fixe peut priver l’entreprise de conditions de refinancement plus avantageuses en cas de baisse des taux.
L’idéal est d’adopter une répartition équilibrée selon l’évolution du marché et la capacité de l’entreprise à supporter une hausse des taux.
Diversifier les marchés et les zones géographiques
Une entreprise qui exporte dans une seule région du monde est vulnérable aux fluctuations économiques et monétaires de cette zone. En diversifiant ses marchés d’exportation ou ses fournisseurs, elle réduit le risque de dépendance à un marché unique.
Éviter la concentration des placements sur des actifs trop volatils
Une entreprise qui place sa trésorerie sur des actifs risqués et/ou fortement exposés (actions, obligations longues, cryptomonnaies, matières premières) peut subir des pertes importantes en cas de chute des marchés. Une répartition entre actifs liquides et placements diversifiés permet de sécuriser la trésorerie tout en optimisant la rentabilité.
> Planification et anticipation
Une gestion efficace des risques passe par une vision à long terme et une capacité d’adaptation aux évolutions économiques et financières.
Maintenir des marges de sécurité en trésorerie
Une trésorerie trop juste expose l’entreprise à des risques de liquidité en cas d’imprévu.
Afin de renforcer sa trésorerie, les actions suivantes sont à mettre en place en premier lieu :
- Maintenir une réserve de liquidités proportionnelle aux besoins opérationnels (3 à 6 mois de charges fixes par exemple) ;
- Optimiser le recouvrement des créances clients (réduction des délais de paiement, affacturage) ;
- Négocier des délais de règlement fournisseurs pour aligner les entrées et sorties de trésorerie ;
- Sécuriser des lignes de crédit confirmées auprès des banques pour anticiper un éventuel besoin de financement rapide.
Mettre en place une politique de gestion des risques
Il est fortement conseillé, pour ne pas dire essentiel, de formaliser une charte de gestion des risques financiers, afin d’établir des règles claires, notamment sur :
- Le niveau d’endettement acceptable ;
- La cartographie des risques financiers ;
- Les stratégies et les outils de couverture à privilégier ;
- Les seuils d’alerte et d’intervention en cas de forte volatilité des marchés (taux, devise, matières premières…)
La mise en place d’une politique de gestion des risques permet aux dirigeants et aux équipes financières de prendre des décisions cohérentes et réactives, même en cas de crise.
Effectuer des stress tests
Le terme peut sembler alarmant, mais au contraire, le stress test (ou test de résistance bancaire) permet d’anticiper des scénarios économiques extrêmes et d’être ainsi plus serein dans la gestion de sa trésorerie en prévoyant des plans d’actions avant que la crise ne survienne. Mis en place initialement par les banques centrales, ce test peut également s’appliquer aux entreprises exposées à des risques de volatilité.
Quelques exemples d’application :
- Hausse des taux d’intérêt de 2 % : quel impact sur le coût de la dette et la rentabilité ?
- Dépréciation de 10 % d’une devise clé : comment cela affecte-t-il les marges et le chiffre d’affaires ?
- Hausse soudaine des matières premières : quelle augmentation des coûts de production et comment répercuter cette hausse sur les prix de vente ?
> La mise en place d’outils de couverture
Dans la continuité de la mise en place d’une stratégie de gestion des risques, l’entreprise peut mettre en place différents outils dans le cadre de sa stratégie de couverture.
La couverture du risque de volatilité par les produits dérivés
Les produits dérivés sont des instruments financiers dont la valeur dépend d’un actif sous-jacent. Ils permettent de fixer, limiter ou ajuster l’exposition à un risque financier spécifique, et peuvent être utilisés afin de couvrir les 4 risques de taux directement liés à la volatilité (intérêt, change, matières premières, marché).
Les principaux produits dérivés utilisés en stratégie de couverture sont :
- Le swap : accord entre deux parties pour échanger une série de cash-flows dans le futur, qui dépendent de variables économiques telles qu’un taux d’intérêt ou un taux de change. Par exemple, une entreprise ayant souscrit un emprunt à taux variable pourra se couvrir par un swap de taux afin d’échanger ses paiements à taux variable contre des paiements à taux fixe.
- Les contrats à terme (forwards et futures) : engagement ferme d’acheter ou de vendre un actif (le sous-jacent) à une date future, mais à un prix déterminé à l’avance. Un exportateur européen vendant aux États-Unis peut sécuriser un taux EUR/USD par le biais d’un contrat à terme, afin d’éviter un impact négatif en cas de variation défavorable du marché.
- Les options qui donnent à un acheteur le droit, mais non l’obligation, d’acheter ou de vendre un actif sous-jacent à un prix fixé à l’avance, moyennant le paiement d’une prime ; tandis que le vendeur aura l’obligation de procéder à la transaction si le détenteur de l’option en manifeste la volonté. Par exemple, une entreprise avec un portefeuille d’actions peut acheter une option de vente sur un titre coté qu’elle détient pour limiter ses pertes potentielles en cas de chute des marchés.
Il existe de nombreux produits dérivés plus ou moins complexes, qui peuvent également être combinés entre eux. Bien maitrisés, ces outils peuvent permettre de se couvrir très efficacement contre une exposition à un risque financier.
Le traitement comptable de ces instruments, qui peut également se révéler complexe et nécessite à la fois une bonne compréhension de leur fonctionnement et une excellente maitrise des normes, fera l’objet d’un prochain article.
La couverture des risques de liquidités et de crédit
Comme indiqué dans l’identification des risques financiers, si ceux-ci sont structurels, ils sont cependant indirectement impactés par la volatilité financière. L’entreprise a donc intérêt à se couvrir également contre ces risques, de plus dans un contexte économique incertain.
Les outils de couverture les plus courants liés aux risques de liquidités et de crédit sont :
- L’assurance-crédit : en souscrivant à une police d’assurance auprès d’un assureur spécialisé qui indemnisera les créances non réglées en cas de défaut de paiement, l’entreprise se couvre contre le risque de crédit.
- L’affacturage : l’entreprise vend ses créances clients (factures en attente de paiement) à un établissement financier spécialisé (appelé “factor”). Ce dernier avance immédiatement une partie du montant dû, puis se charge du recouvrement auprès des clients. L’affacturage permet ainsi de couvrir à la fois le risque de liquidité et le risque de crédit.
- Lignes de crédit confirmées : la banque garantissant un accès à un financement jusqu’à un certain plafond, utilisable en cas de besoin, l’entreprise anticipe un risque de liquidité.
- Placements sûrs et liquides : les placements sur des dépôts à terme par exemple, permettent de s’assurer d’avoir de la trésorerie disponible au besoin, tout en générant un rendement.
Suivi des couvertures et bonnes pratiques
Mettre en place une stratégie de couverture de la volatilité financière ne se limite pas à identifier les risques et choisir un produit de couverture. Une fois les risques identifiés et la politique de gestion des risques mise en place, il faut :
- Assurer un suivi régulier des positions de couverture, avec notamment la construction d’un tableau de bord des risques (exposition résiduelle, valorisation des instruments, impact sur les résultats…) ;
- Mettre en place des tests d’efficacité des couvertures, afin de s’assurer de leur corrélation avec l’exposition réelle, et ajuster au besoin (augmentation ou diminution du montant couvert…) ;
- Assurer une révision périodique de la stratégie de couverture, en comparant les prévisions et la réalité. Par exemple, si une entreprise exporte moins que prévu, doit-elle ajuster sa couverture de change ? Auquel cas cela demandera un arbitrage entre le coût de la couverture et le bénéfice économique réel.
Les bonnes pratiques à retenir :
- Évaluer précisément l’exposition aux risques avant de couvrir et mettre en place une politique de gestion des risques basée sur l’anticipation et la planification ;
- Choisir les bons instruments en fonction du contexte économique et des objectifs ;
- Intégrer la gestion des couvertures dans le pilotage global de l’entreprise et mettre en place un reporting clair et un suivi actif des positions de couverture.
La volatilité est inévitable, mais ses conséquences peuvent être anticipées : mettez en place une stratégie de couverture adaptée !