L’évaluation des politiques publiques s’ancre dans le paysage institutionnel.
Pour le meilleur ?
Le décret d’application de l’article 229 de la loi dite « 3DS » du 21 février 2022, relatif à l’évaluation des politiques publiques territoriales, a été publié le 11 décembre dernier. Il conforte le positionnement des Chambres Régionales des Comptes (CRC) dans ce domaine, en confirmant que celles-ci peuvent être saisies par les présidents des Conseils régionaux, départementaux ou métropolitains pour évaluer leurs politiques. De façon plus surprenante, il prévoit également que les CRC puissent s’autosaisir pour évaluer les politiques mises en place par les autres collectivités de leur ressort juridictionnel.
Si ces dispositions s’inscrivent dans la continuité du positionnement de la Cour des Comptes sur le champ de l’évaluation depuis la révision constitutionnelle de 2008 et peuvent contribuer à développer une culture de l’évaluation encore inégalement partagée au sein des collectivités locales françaises, on peut néanmoins s’interroger sur la pertinence d’un tel choix (qui semble avoir été dicté pour partie pour des raisons de maîtrise du plan de charge des CRC), tant sur le principe que d’un point de vue pratique. Cela risque en effet de renforcer l’assimilation encore trop souvent faite entre évaluation et contrôle (avec un prisme essentiellement financier de surcroît, compte tenu des données sur lesquelles travaille prioritairement une CRC) et de rendre l’exercice sujet à caution dès lors qu’il est conduit sans l’aval de la collectivité concernée.
Si nous nous réjouissons chez Sémaphores que l’évaluation des politiques publiques se développe avec un réseau d’acteurs de plus en plus riche, il nous semble important de réaffirmer qu’elle ne peut être utile que si elle est coconstruite avec le commanditaire, prêt à coopérer avec l’évaluateur, à croiser les sources d’informations et les méthodes d’enquêtes pour mieux comprendre les impacts d’une politique (production des effets attendus, capacité à toucher la cible prévue…) et identifier les axes d’amélioration éventuels. Une évaluation ne se limite pas à une analyse de données physico-financières (aussi rigoureuse et exhaustive soit-elle). Elle est d’abord un processus d’apprentissage collectif dans lequel on cherche à répondre de la façon la plus pertinente et la mieux documentée possible à des questions (elles aussi définies en commun) sur les effets réels d’un dispositif et les moyens de le faire évoluer le cas échéant.
Cela implique donc de pouvoir articuler analyse quantitative et méthodes qualitatives (entretiens, ateliers…) au cas par cas, en fonction des ressources disponibles et des attendus de l’exercice. Cela implique aussi de savoir associer toutes les parties prenantes pour produire une analyse objectivée et partagée des résultats. C’est pourquoi nous sommes toujours attentifs, chez Sémaphores, à la mise en débat et à la co-construction des conclusions comme des recommandations. Le but de l’évaluation est de produire de l’information utile, mais aussi de créer les conditions de son appropriation. C’est pourquoi elle ne peut être uniquement le fait du consultant, aussi expert soit-il.