Restructurations et territoires :
le sujet de la compensation


Un article rédigé par :
Patrick TALER – Directeur Associé en charge de la revitalisation et de la réindustrialisation – Sémaphores – in
Lorsque l’on évoque le sujet des restructurations engagées par les entreprises comportant un impact sur l’emploi, nous pensons spontanément aux conséquences directes de la mesure subies par les salariés, ainsi qu’aux dispositifs d’accompagnement mis en œuvre par les employeurs au bénéfice de ces derniers.
Nous pensons moins directement aux exigences imposées par la loi à ces mêmes entreprises en matière de compensation, celles-ci jouant principalement à deux niveaux :
- la compensation des conséquences de la réduction d’activité et du nombre d’emplois à l’échelle du (des) territoire(s) concerné(s),
- ainsi que des éventuels risques en matière environnementale.
Atténuer les impacts des grandes restructurations sur le reste de l’économie d’un bassin d’emploi est l’un des premiers objectifs de deux obligations pesant sur les entreprises employant plus de 1.000 salariés et entrant dans le champ du « congé de reclassement » : la nécessité de rechercher un repreneur dans les cas de fermeture d’un établissement au titre de la loi dite « loi Florange », ainsi que l’obligation de concourir à la revitalisation du bassin d’emploi en concluant avec l’État une « Convention de Revitalisation ».
Dans le premier cas, la recherche de repreneur, si elle demeure une simple obligation de moyens, relève du contrôle de la DREETS, compétente pour valider ou homologuer le Plan de Sauvegarde de l’Emploi contenu dans un accord majoritaire ou un document unilatéral. Une attention toute particulière doit donc être accordée au déploiement du dispositif, dont le cadre est posé par les textes et étayé par la pratique… celle-ci étant également bien connue des experts intervenant aux côtés du Comité Economique et Social dans l’appréciation même des conditions de la restructuration. La recherche de repreneur, ainsi menée dans les « règles de l’art » comportera nécessairement la production d’une documentation présentant l’établissement dans toutes ses composantes (compétences disponibles, ensemble immobilier, équipements mis à disposition du repreneur et le cas échéant tout ou partie de l’activité exercée sur le site), ainsi que la mise en œuvre d’une campagne d’information et de prospection auprès d’un panel d’entreprises identifiées mais également auprès des acteurs locaux œuvrant au développement économique (CCI, agences de développement, EPCI et Région notamment).
Au-delà de la conduite de la procédure visant la négociation du Plan de Sauvegarde de l’Emploi entre partenaires sociaux, l’État, représenté par le Préfet du (ou des) département(s) concerné(s) peut décider, selon des critères d’appréciation tenant compte de la situation économique du territoire, d’assujettir l’entreprise à son obligation de revitalisation. Le Préfet l’invite alors à entrer dans une seconde négociation : celle d’une convention destinée à favoriser (et co-financer) les initiatives économiques portées par les acteurs locaux, et directement ou indirectement, soutenir la recréation d’emplois nouveaux.
La contribution de l’entreprise assujettie est calculée en tenant compte du nombre de suppressions nettes d’emplois, celle-ci résultant de la prise en compte d’efforts engagés par l’employeur en termes de reclassements internes, de mesures d’âge ou encore d’accompagnement à la création d’activité pour ses salariés subissant la suppression de leur emploi.
Cette obligation, dont la mise en œuvre reste à la « discrétion » du Préfet, a été étendue aux Ruptures Conventionnelles Collectives, alignant de plus en plus leur statut sur celui des grandes restructurations.
Enfin, le champ de la compensation s’étend également au domaine de la préservation de l’environnement, par le biais de deux exigences s’imposant à l’employeur, pour lequel il s’agit désormais de proposer une appréciation des conséquences du projet de restructuration sur le plan environnemental dans le cadre du processus d’information des instances représentatives du personnel ainsi que de la DREETS d’une part, mais également de réaliser un bilan environnemental à l’occasion des décisions de fermetures d’établissements entrants dans le cadre de la loi Florange d’autre part.
Une attention particulière sera accordée à ces impacts, notamment à l’occasion de projets emportant un redéploiement d’activités ainsi que des ressources associées s’agissant de la première mesure, ces transformations engageant le plus souvent une modification de flux significatifs et dont la mesure des impacts nécessitera la présentation des calculs de consommations de ressources différentiés découlant du schéma d’activité cible, rapporté à la situation initiale.
La réalisation du bilan environnemental, exigée dans les cas de fermeture d’établissement industriel, permettra quant à elle la mise en lumière des impacts des activités exercées jusqu’alors sur le milieu naturel, et les éventuels enjeux de dépollution de sites, au périmètre de ces derniers (matériaux du bâti, émissions en sous-sols de solvants ou hydrocarbures le plus souvent…) mais également à l’échelle d’écosystème locaux (nappes phréatiques ou cours d’eau par exemple). Cette démarche de caractérisation nécessite la réalisation de prélèvements dans et hors du site, et s’inscrira soit dans une logique de transmission à un nouvel exploitant, soit dans une démarche d’information des services de l’État (DREAL – Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) dans le cadre plus large de la procédure administrative de cessation d’activité.
Qu’ils soient ainsi d’ordre économique, relevant de l’impact emploi principalement, ou d’ordre environnemental, les dispositifs évoqués devront donc bien faire l’objet d’une évaluation dans la préparation de projets de transformation.