Conventions de
management fees :
les déductions fiscales précisées
Un article rédigé par :
Philippe BASCHET – Associé – Expert-Comptable – Commissaire aux comptes – GVA – in
Les conventions de management fees sont des accords fréquents conclus entre sociétés d’un même groupe ou ayant un dirigeant commun. Elles définissent les prestations fournies et la rémunération appliquée en contrepartie.
Ces prestations concernent généralement des services de direction, financiers, comptables, juridiques, fiscaux et administratifs.
La déduction fiscale de ces charges devait être regardée de près au regard de la gestion normale de la société : si les prestations effectivement rendues et réalisées à des conditions courantes entre sociétés liées ne posaient pas de difficultés, il en était différemment pour les prestations de direction inhérentes au dirigeant de chaque société qui pouvaient être considérées comme faisant double emploi avec le travail de dirigeant même si celui-ci n’était pas rémunéré pour son mandat.
Jurisprudence antérieure : un acte anormal de gestion ?
En effet, en 2003, la décision de la Cour Administrative d’Appel de Nancy, dans son arrêt SA Gamlor (CAA du 9-10-2003, n°98-2182), avait jugé que la refacturation de réalisation de fonctions dévolues en principe au représentant légal relevait d’un acte anormal de gestion. L’absence de distinction entre ces deux prestations (direction d’un côté et services de direction refacturés de l’autre) caractérisait cet état de fait. Cela impliquait ainsi la non déductibilité de la charge de management fees au niveau de l’impôt sur les sociétés et le rejet de la TVA déductible sur les prestations facturées.
Cette jurisprudence avait été ensuite confirmée par une décision du Conseil d’État du 6 novembre 2019.
Revirement du Conseil d’État
Par une décision du 4 octobre 2023 (N°466887, société Collectivision), le Conseil d’État semble toutefois revenir sur cette position. Il a jugé que, sous réserve du respect de certaines conditions, une société peut, sans commettre un acte anormal de gestion, conclure une convention par laquelle elle rémunère une société afin que le dirigeant de l’une, également dirigeant de l’autre, exerce les fonctions de direction de la filiale.
La Haute Juridiction admet ainsi la déductibilité fiscale de ces management fees de direction sous réserve que ce schéma ait pour objet de rémunérer indirectement le dirigeant et que cette modalité de rémunération ait été décidée par les organes sociaux compétents de la société débitrice.
Cette décision est favorable aux dirigeants d’entreprises en rappelant que ce type de conventions de management fees entre sociétés avec un dirigeant commun ne relève pas d’un acte anormal de gestion à partir du moment où la réalité de la prestation est établie et que les prestations rendues sont facturées de manière normale.
Par ailleurs, il est important de rappeler que cette décision fiscale n’a pas d’impact sur le droit des sociétés et la reconnaissance de la validité des prestations. Toutefois, même si une convention est déclarée nulle au tire du droit des contrats, éventuellement pour absence de cause, cette nullité n’emporte pas acte anormal de gestion mais aura pour conséquence le remboursement des sommes payées à ce titre.
Il conviendra également d’approuver la rémunération du dirigeant par les organes de la société afin de justifier de la parfaite information de(s) l’associé(s).
La décision du 4 octobre 2023 a été également confirmée par une nouvelle décision du Conseil d’État du 26 avril 2024 (N°458958 société Kyowa Synchro Technology Europe) qui indique que la refacturation de prestations de direction entre sociétés avec un dirigeant commun et correspondant à sa rémunération correspond bien à une charge déductible fiscalement pour la filiale qui la supporte.
Il convient toutefois expressément que cette dépense soit engagée dans son intérêt. En la matière, l’intérêt est analysé seulement au niveau de l’entité qui assume la charge et non au niveau du groupe dont elle fait partie.
Cet intérêt est considéré comme valable lorsque notamment :
- La personne refacturée exerce tout ou une part importante de son activité auprès de la filiale ;
- La direction de la filiale a été assurée par la personne refacturée compte tenu de son mandat de dirigeant de la filiale en lien avec la convention conclue entre les deux sociétés ;
- Les sommes facturées par la société n’apparaissent pas comme excessives.
Conclusion
La jurisprudence récente apporte un éclaircissement important dans le cade des relations entre sociétés d’un groupe commun.
Toutefois, il est très important de respecter les règles de réalité de la prestation correspondant parfaitement à la convention de management fees sur les aspects de direction, de définir une rémunération totale qui n’est pas excessive et de recourir à ce système s’il s’avère que les fonctions de dirigeant seront tout aussi bien exercées que s’il les avait accomplies seul.
Ces points feront donc l’objet d’un examen attentif de la part de l’administration fiscale en cas de contrôle ; il est donc impératif d’être vigilant sur la rédaction des conventions de management fees, en détaillant précisément les services rendus dans l’intérêt social de la société bénéficiaire des prestations.